A l’occasion de la fête du travail, nous regardons en ce début du mois du muguet du côté de sa transposition musicale. Rendons hommage ce matin à tout ces corps de métier qui travaillent. Est-il possible d’entendre le dur labeur à l’usine ? Eclairage avec Chostakovich et Prokofiev dans un pays glorifiant les ouvriers. Que pensait Poulenc du travail du peintre ? Réponses en musique (bien sûr !)
Jour chômé depuis juillet 1889 en France, le 1er mai se conjugue depuis avec manifestations et défilé des syndicats. Du côté de la géopolitique, les (non moins) traditionnels défilés russe, chinois et nord-coréen sont plutôt des démonstrations de force des régimes avec un objectif tout autre : afficher dans les rues des capitales une artillerie militaire de pointe. Déjà du temps de Dmitri Chostakovitch en 1929, le compositeur doit honorer la fête du travail par une symphonie-chorale glorifiant la partie. Il utilise ainsi le texte de Semion Kirsanov pour une troisième symphonie qui donne une dimension davantage populaire aux marches militaires. Dans une lettre à Boleslav Yavorsky, il confie que son œuvre « exprim(e) l’esprit de la reconstruction pacifique ». La partition se termine ainsi sur un tonitruant unisson alternant entre les hommes et les femmes. Grandiose et triomphal V pervoye, Pervoye Maya laisse également place à une coda avec des cuivres fortissimo.
Le monde du ferroviaire
Ce n’est pas un hasard si chaque enfant rêve d’un train électrique, il y a une réelle fascination pour ce que Zola appelle la « bête humaine ». Fascination partagée par les compositeurs au XIXe siècle. Si d’aventures votre route passe par Mulhouse à l’occasion, il faut absolument s’arrêter dans la Cité du Train, une vitrine patrimoniale de la SNCF qui vous fera voyager dans le temps.
Les compositeurs se sont passionnés pour le progrès des locomotives dans la première moitié du XIXe siècle. En effet, avec le développement du chemin de fer jusque dans les campagnes, véritable projet de Napoléon III, il est désormais possible de voyager partout en France. Le train représente concrètement la modernité et l’aventure, à l’image du Chemin de fer de Charles-Valentin Alkan. Courte pièce virtuose composée en 1844, le pianiste français a réussi à illustrer musicalement la vitesse et l’agilité de la locomotive. Une autre locomotive – devenue Pacific 231 – fait écrire à Arthur Honegger (1923) une parfaite imitation de la machine. Le souffle du train, sa montée en vapeur se traduit ici avec une intense force qui se termine en apothéose dans un déferlement de sifflets.
Si les questions ferroviaires vous passionnent…
Le travail du peintre
Francis Poulenc donne sa version en 1955 – aidé par Paul Eluard – des grandes peintres de son temps. L’œuvre (FP 161) évoque ainsi Picasso, Chagall, Braque, Gris, Klee, Miro… Des couleurs musicales subtilement choisies pour honorer un ami récemment décédé ; Christian Bérard. Fidèle à lui-même, Poulenc allie ici simplicité mélodique, clarté harmonique et une poésie très expressive. Au carrefour des arts, le piano n’écrase jamais le baryton, laissant ainsi la primauté à la parole.
Docteur
Dans les opéras, on voit souvent apparaître la figure du médecin. Bien malgré lui sous la plume de Charles Gounod, le malicieux Faust reste ce vieux savant en quête de savoir interdit, tiraillé entre science, foi et passion. Docteur Grenvil dans La Traviata (Verdi) incarne lui le médecin sérieux au chevet de la tuberculeuse Violetta. La médecine est ici dépeinte de manière tout à fait humaine avec des accents réalistes, donc tragiques vis à vis de la maladie.
Nous pouvons nous questionner sur la place qu’occupe cette figure dans le monde de la musique. Ce n’est pas un hasard si la médecine en temps que science et le savoir qui lui est associée fascine ou terrifie. Peur de la maladie, voir de la mort, les bouleversements scientifiques au XIXe siècle mettent les récentes découvertes dans toutes les bouches, y compris celles des compositeurs. Mais les exemples non opératiques existent aussi : Bach en son temps utilise le titre honorifique de Doctor musicus dans une cantate satirique Schweigt stille, plaudert nicht (Faites silence ! Ne bavardez pas !) donc profane – surnommée la Cantate du Café (BWV 211) – lui permettant de tourner en dérision l’addiction au café. Même dans les chants médiévaux des Carmina Burana repris en 1936 par Carl Orff, il était déjà question de « doctores » professionnels également moqués.
D’autres professions seront mises à l’honneur dans la matinale, à réécouter quand vous le souhaitez.
Victor-Emmanuel HUSS