Chaque année, le Festival de Cannes se pare d’une signature musicale qui accompagne l’arrivée du public sur la Croisette et ouvre la cérémonie d’ouverture. Depuis plusieurs éditions, c’est le mouvement « Aquarium » tiré du Carnaval des animaux de Camille Saint-Saëns qui remplit ce rôle : une invitation féerique, presque surnaturelle, à entrer dans le monde magique du cinéma.
Derrière ce choix se cache la passion de Gilles Jacob, ancien délégué général du festival, pour cette partition de 1886. Convaincu que « Aquarium » possédait la couleur sonore idéale pour annoncer le déroulé des projections et capter l’attention dès les premiers instants, il a imposé ce thème dont la légèreté, l’élégance et la dimension onirique font écho à l’esprit cannois : glamour, rêve et émerveillement.
Musicalement, « Aquarium » déploie un tapis de résonances cristallines : arpèges fluides au piano, scintillements de glockenspiel et nappes de cordes suspendues créent l’illusion d’un monde sous-marin peuplé de bulles musicales. Ce climat de poésie et de mystère constitue un contrepoint parfait aux images qui vont défiler sur grand écran, en suggérant instantanément aux festivaliers qu’ils s’apprêtent à vivre une expérience visuelle et émotionnelle hors du commun.
Le Carnaval des animaux, suite de quatorze pièces, est lui-même une œuvre à mi-chemin entre fantaisie et érudition : conçue initialement comme une pochade musicale, elle abrite, au-delà de ses tableaux animaliers pleins d’humour, un savoir-faire orchestral d’une finesse remarquable. En choisissant « Aquarium », Cannes puise dans cette double facette : l’accessibilité joyeuse d’un divertissement léger et la profondeur d’une écriture classique qui a traversé les décennies sans jamais perdre de sa fraîcheur.
Aujourd’hui, les notes de « Aquarium » sont aussi familières que les images de la montée des marches : elles résonnent sur la plage, s’immiscent dans le hall du Palais et rappellent à chacun que le Festival est avant tout une célébration du rêve et du partage. À chaque nouvelle édition, le public retrouve ce prélude sonore avec le même frisson : la promesse que, le temps d’une quinzaine de jours, l’art du cinéma déploiera ses ailes et invitera le monde à rêver ensemble. Le festival se finit aujourd’hui.