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🎼La Philharmonie de Strasbourg fête ses 125 ans : un siècle et quart de passion symphonique !

La plus vieille institution symphonique strasbourgeoise, la Philharmonie de Strasbourg célèbre un événement rare : son 125ᵉ anniversaire ! La formation musicale strasbourgeoise qui a survécu aux deux guerres mondiales, a traversé au cours du XXe siècle plusieurs périodes de mutations culturelles, d’incertitudes politiques et d’instabilités sociales tout en faisant face à de nombreux défis liés aux avancées technologiques et aux transformations sociétales.

C’est en 1900, au crépuscule d’un siècle marqué par de profonds bouleversements industriels et par une forte émergence sur le continent européen des consciences nationales, que fut fondé l’Orchestre symphonique La Philharmonie, alors que l’Alsace est annexée par l’Empire allemand. 🎙️ Pour célébrer cet anniversaire, LA PHILHARMONIE a choisi la Symphonie n°1 de Gustav Mahler, surnommée Titan.

L’orchestre est né à la fin du XIXᵉ siècle : « c’est en décembre 1899 que pour la première fois se réunirent quelques amateurs alsaciens fervents de musique (…) progressi­vement … l’autorisation administrative de se produire en public fut accordée en novembre 1900. Le premier concert de La Philharmonie eut lieu le 9 février 1901 à l’Aubette.

Cette naissance s’inscrit dans un contexte particulier : l’Alsace était alors partie intégrante du Reich d’Alsace-Lorraine (après la guerre de 1870) et la ville de Strasbourg bénéficiait d’un fort développement culturel et associatif dans l’esprit « Wilhelminien ».

Dans ses premières années, La Philharmonie joua régulièrement (jusqu’à la Première Guerre mondiale) dans des lieux comme le Palais des Fêtes et le Grand Restaurant de l’Orangerie. Les concerts d’été en plein air à l’Orangerie étaient, dans les premières années, un moment festif populaire après les concerts « statutaires ».

🎶 Au fil des années et des dizaines anniversaires, des solistes de renom régional, national ou même international ont rehaussé de leur présence les concerts du Palais des Fêtes. Citons seulement la star alsacienne de Boston, Charles Munch, venu diriger l’orchestre dont il avait été jadis le premier violon solo, lors du 50e anniversaire de la Société (1950), ou le violoniste Jean-Jacques Kantorow donnant une étourdissante Symphonie Espagnole au Palais des Congrès lors du Centenaire (2000).

🎶 La Philharmonie se définit comme une association musicale d’orchestre symphonique, composée de musiciens actifs (souvent amateurs renforcés par des « points d’expérience ») et d’un public d’abonnés ou de sympathisants. Elle entretient une identité locale forte, dans laquelle la double culture franco-allemande de la région Alsace est présente dans le choix du répertoire et dans ses activités.

🎶 Le lieu principal des concerts est le Palais des Fêtes de Strasbourg, bâtiment emblématique établi en 1903 au 4 rue de Phalsbourg / rue Sellénick.

🎶 Ce bâtiment édifié en 1903 a longtemps été la seule véritable salle de concert avant la construction du Palais de la Musique et des Congrès. L’édifice a accueilli de très nombreuses manifestations et de grands noms de la musique (Gustav Mahler, Richard Strauss, Charles Munch etc.). La très belle salle néo baroque des origines fut « épurée » dans les années 1930 et aujourd’hui, le Palais des Fêtes est malheureusement tombé en désuétude.

🎙️Notre vocation, c’est de faire vivre la grande musique au cœur de la cité. Nous voulons que chaque concert soit un moment de partage, pas seulement de virtuosité

Rémy Abraham

🎶 La Philharmonie de Strasbourg célèbre donc cette année son 125ᵉ anniversaire. Depuis ses humbles débuts en 1900-1901, elle a accompagné la vie musicale strasbourgeoise, traversé des périodes mouvementées, tout en faisant entendre la musique symphonique dans sa double dimension française et allemande. Pour marquer ce jalon, le samedi 29 novembre prochain, elle interprétera la Symphonie n°1 de Mahler au Palais des Fêtes sous la direction de Rémy Abraham.

🎶 Un anniversaire célébré en musique

L’année 2025 marque aussi le lancement d’un cycle Mahler, et l’enregistrement d’un album commémoratif retraçant les grandes pages du répertoire abordé depuis un quart de siècle. La Philharmonie de Strasbourg reste fidèle à sa devise : « Jouer ensemble, vivre ensemble. »

Imaginez… une nature qui s’éveille lentement, un souffle presque imperceptible qui sort du silence…C’est ainsi que commence la Symphonie n°1 de Gustav Mahler, une œuvre inaugurale, écrite par un jeune homme de vingt-huit ans — et pourtant déjà l’une des plus visionnaires de tout le romantisme.

Mahler compose cette symphonie entre 1884 et 1888, alors qu’il dirige l’orchestre du théâtre de Leipzig puis celui de l’Opéra de Budapest. Il n’est pas encore le grand chef d’orchestre du Metropolitan ou de Vienne — il est un jeune compositeur, nourri de Beethoven, Berlioz, Liszt et Wagner, mais déjà prêt à dépasser leurs modèles.

La création a lieu à Budapest en novembre 1889, sous la baguette du compositeur lui-même.

Le public reste perplexe : Mahler présente alors l’œuvre comme une « symphonie en cinq mouvements avec programme », qu’il intitule Titan, d’après le roman de Jean Paul Richter. Mais le surnom « Titan » n’évoque pas l’héroïsme de la mythologie grecque : il traduit plutôt la quête spirituelle d’un être en lutte avec le monde.

Mahler retirera plus tard le deuxième mouvement original, Blumine, une page tendre et pastorale d’inspiration schumannienne, jugée trop légère.


C’est donc une symphonie en quatre mouvements que nous connaissons aujourd’hui — mais derrière cette structure classique se cache un univers foisonnant : nature, marche funèbre, ironie, extase, tout y est.

La symphonie doit être comme le monde : elle doit tout contenir. Gustav Mahler

Gustav Mahler prise lors de son passage à Strasbourg — précisément lors d’un concert le 22 mai 1905, où il dirigeait la Symphonie n°9 de Ludwig van Beethoven

🎙️ Premier mouvement : Wie ein Naturlaut – Comme un son de la nature

Tout commence dans un murmure : les cordes pianissimo, un bourdon de septième mineure, puis les appels lointains des cors, comme des échos dans une forêt encore endormie. Mahler écrit ici la genèse d’un monde sonore, une aurore musicale. Puis s’élève un thème d’une limpidité absolue :
celui du lied Ging heut’ Morgen übers FeldJe marchais ce matin à travers champs — tiré de son cycle des Chants d’un compagnon errant. Ce thème lumineux exprime l’émerveillement d’un jeune homme face à la nature, à la beauté du monde. Mais déjà, l’ironie guette : sous cette sérénité, Mahler glisse des tensions harmoniques, des couleurs instables, des pressentiments. Ce n’est pas seulement la nature qui s’éveille : c’est la conscience du compositeur, à la fois émerveillée et inquiète.

🎙️ Deuxième mouvement : Kräftig bewegt, doch nicht zu schnell – Animé, sans excès

Changement radical d’atmosphère : place à la danse, à l’énergie, à la vigueur des Ländler — ces valses rustiques venues des montagnes autrichiennes. Mahler s’amuse ici à magnifier la musique populaire : il fait danser les cordes, rugir les cuivres, bondir les contrebasses. Mais soudain, le trio central introduit un climat de rêve, presque viennois : un souvenir tendre, comme un pas de deux fragile au cœur du tumulte.
Mahler, chef d’orchestre infatigable, sait déjà orchestrer la vie : ses symphonies sont peuplées de rythmes du quotidien, de fanfares, de chansons, de rires et de larmes.

🎙️ Troisième mouvement : Feierlich und gemessen, ohne zu schleppen – Solennel et mesuré

Ici, Mahler surprend tout le monde : il transforme la comptine Frère Jacques en marche funèbre en mode mineur. Le thème, d’abord confié au contrebasse solo ou au basson, s’élève lentement, lugubre, ironique. Peu à peu, l’orchestre rejoint cette procession funèbre étrange, presque burlesque. Mahler disait s’être inspiré d’une gravure de Moritz von Schwind, où les animaux accompagnent un chasseur mort à sa dernière demeure. Mais au-delà de l’humour noir, c’est une métaphore de l’innocence perdue, du monde enfantin tourné en dérision.

Puis, dans la partie centrale, surgissent des airs populaires d’Europe centrale, des danses juives, des fanfares de village : le grotesque côtoie le tragique.
Cette coexistence de styles — sacrée et profane, noble et trivial — deviendra la signature mahlérienne. La vie, pour Mahler, n’est jamais pure : elle est mélangée, contradictoire, humain.

🎙️ Quatrième mouvement : Stürmisch bewegt – Tempétueux, agité

Sans transition, un cri orchestral déchire le silence. Les timbales éclatent, les cuivres rugissent : la tempête est là. C’est le combat de l’âme mahlérienne — entre la douleur, le doute, et la volonté de vivre. Sans transition, un cri orchestral déchire le silence.Les timbales éclatent, les cuivres rugissent : la tempête est là.
C’est le combat de l’âme mahlérienne — entre la douleur, le doute, et la volonté de vivre. Tout le mouvement est une grande dramaturgie intérieure : le désespoir s e change en exaltation, le tumulte en lumière. Mahler use ici de tout l’orchestre romantique, jusqu’à huit cors debout à la fin, pour proclamer la victoire en ré majeur. C’est la rédemption par la musique, la victoire de la vie sur le chaos.

“Il s’agit d’un homme qui vient d’être frappé par le destin et qui lutte avec lui.”

Gustav Mahler

Tout le mouvement est une grande dramaturgie intérieure : le désespoir se change en exaltation, le tumulte en lumière. Mahler use ici de tout l’orchestre romantique, jusqu’à huit cors debout à la fin, pour proclamer la victoire en ré majeur. C’est la rédemption par la musique, la victoire de la vie sur le chaos. Symphonie de la nature, de la vie, de la lutte et de la lumière…

La Première Symphonie de Gustav Mahler reste, plus d’un siècle après sa création, une porte d’entrée magique vers un univers orchestral total. Un monde où la musique devient un miroir de l’âme.

Pour aller plus loin…

Les chefs d’orchestre de la Philharmonie

Guillaume RIFF 1901-1914, 1919-1920

René MONFEUILLARD 1920-1939

Philippe ACKER 1945-1953

René MATTER 1954-1963

Charles SCHWARZ 1963-1972

Claude SCHNITZLER 1972-1977

Ferdinand KOCH 1977-1983

Gérard FOLTZ 1984-2005

Etienne BARDON 2007-2021

Rémy ABRAHAM depuis 2022


Dans un registre plus profane, La Philharmonie a participé une dizaine de fois aux Flâneries Nocturnes d’été au Pavillon Joséphine, et agrémenté d’intermèdes musicaux des congrès de corporations, d’ONG, de médecins, de clubs tels que le Rotary ou le Kiwanis. ou des fêtes données en l’honneur de personnalités publiques ou artistiques alsaciennes. Elle a également participé au spectacle historique « Malgré-Nous » de Charly Damm, et même au tournage d’un film « Mes enfants ne sont pas comme les autres » de Denis Dercourt.

Musicien d’orchestre, puis, un temps, directeur des écoles de musique de Hautepierre et d’Ostwald, Michel Schmitt retrace, dans un ouvrage documenté, les 120 ans de l’orchestre symphonique La Philharmonie.

Notre playlist :

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