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Panthéon des pianistes

Le piano sous les doigts de Raymond Trouard !

Il n’existe à ce jour aucune biographie consacrée au pianiste d’exception qu’était Raymond Trouard. Tombé dans l’oubli depuis sa mort il y a quinze ans, il nous laisse pourtant un imposant héritage discographique entre 1948 et 1965 intégralement enregistré par Odéon en France. Fréquemment invité à la télévision – à l’époque par l’ORTF – le pianiste originaire d’Etampes (entre Versailles et Pithiviers) n’a pas manqué une occasion pour se produire devant un public de choix. Remarquable interprète de Liszt et de Chopin, il refusait toutefois l’étiquette de « pianiste romantique ».

Accent 4 lui consacre une émission spéciale avec Victor-Emmanuel HUSS à écouter le 6 et 28 septembre à 18H00.

Raymond TROUARD

Formé au Conservatoire de Paris par André Bloch, Joseph Morapin, Victor Staub, Emil von Sauer, Marcel Dupré, Paul Dukas, Philippe Gaubert et Bruno Walter, Raymond Trouard obtient son premier prix de piano en 1933. Entre musique de chambre et cours particulier, l’attention n’est portée que sur la musique comme en témoigne cette rare photographie de la classe de Max D’Ollone (ci-dessous).

« D’Ollone était un homme sensible, très profondément musicien, auquel rien n’échappait. Il avait une passion pour la musique de son vieil ami Reynaldo Hahn, qui nous rendait d’innombrables visites pour constater nos « progrès » dans ses œuvres ».

Entretien avec Frédéric Gaussin, 2008
Raymond Trouard au piano, M. Serpinet au violon (futur secrétaire général des concerts Colonne).

Premier récital deux ans plus tard, après avoir perfectionné son jeu auprès d’Yves Nat. Puis en 1937, le second prix de direction d’orchestre vient compléter son palmarès. L’accession à la récompense pianistique suprême en 1939 (à l’époque le 1er Grand Prix Louis Diémer) lui ouvre les portes d’une carrière internationale. Un vaste répertoire de Bach à Dutilleux, joué aussi bien en solo qu’avec les plus grands chefs d’orchestres de son temps, le fait voyager dans le monde entier. Les critiques pleuvent : Bernard Gavoty alors au Figaro laisse dans les colonnes du quotidien « Une technique légendaire… des mains merveilleuses… une source de joie ». Jean Wiéner compare l’homme à ses illustres prédécesseurs « Le piano, le somptueux piano d’Emile Sauer, de Rachmaninov, et de Vladimir Horowitz, peut être fier de Monsieur Trouard ». Avec cette personnification de l’instrument plus rien n’arrête le soliste.  Même pas une guerre mondiale. Raymond Trouard sera vivement sollicité y compris dans une capitale occupée, ce qui explique peut-être le délaissaient qu’il subit depuis. Mobilisé en 1940, il semblerait que son visage porte encore quelques stigmates reçus alors qu’il était dans l’infanterie. Proche du régime de Vichy, au même titre que Lucienne Delforge, il privilégia également sa carrière à la politique en vigueur.

Au Palais des fêtes le 22 novembre 1946

Le Nouveau journal de Strasbourg nous informe dans l’encart consacré à la visite du Général Leclerc en Alsace – à l’occasion du second anniversaire de la libération de la capitale alsacienne – que le pianiste a joué les Variations symphoniques de César Franck avec l’orchestre de Radio Strasbourg (sous la direction de Victor Clowez). Au programme : la symphonie de Bizet, puis la 5e de Dvorak, un concerto de Mozart (en mi-bémol) avec Blanche Tarjus avant de finir sur une composition du chef d’orchestre : Du Tschad au Rhin, ode à la 2e D.B. pour chœur, orchestre et récitant. Le récitant en question Antoine Bourbon accompagné par la Chorale du Corps Enseignant de Strasbourg dirigée par Joseph Kuntz. Toute une époque réunie dans un drôle de programme, à l’image d’une « drôle de guerre ». Le journaliste mentionne même la location du piano : un instrument du magasin Wolf.

Des débuts sur grand écran… mais toujours derrière le piano

En 1953, Raymond Trouard participe au court-métrage d’André Berthomieu Trois Hommes et un piano. Son talent est requis pour jouer C’est si bon avec Henri Betti et Léo Chauliac. Chanson d’amour aux accents de jazz, il est amusant d’entendre un « pianiste romantique » excellant avec Liszt dans un standard de jazz. A l’âge de 10 ans déjà, le futur virtuose se produisait devant Henry Roussell. Le réalisateur demandait alors au jeune garçon d’incarner Chopin. Dans un article de Comoedia paru le 17 juin 1927, Raymond Trouard parle du maître polonais en ces termes : « Il y a longtemps que j’aime Chopin et que je joue ses œuvres, et je suis fier d’interpréter à l’écran le grand musicien, alors qu’il n’était, comme moi, qu’un petit garçon… et je travaillerai beaucoup ». Une belle pointe du journaliste qui explique déjà son succès : « Tant de simplicité et de jeunesse ne peuvent que plaire ».   

L’enseignement

A partir de 1969, le concertiste occupera le poste d’enseignant au sein du Conservatoire de Paris ; la même institution où il avait lui-même fait son apprentissage. Parmi ses élèves, on trouve Michel Dalberto (lauréat des deux concours Clara Haskil et Leeds préparés avec Trouard), Jean-Gabriel Ferlan, Eric Ferrer et Marc-Henri Lamande. En parallèle de ses cours, Trouard grave une quantité phénoménale de microsillons. Il a confié à Frédéric Gaussin avoir « regretté les enregistrements sur des Gaveau, pauvres en harmoniques au détriment d’Erard et Pleyel ». Sa femme l’a secondée toute sa vie, au moment de ses tournées ou de ses séances d’enregistrements, jusqu’à son dernier souffle en 2008.

Au piano Janine Ouroussoff, à gauche Sophie Carré-Chesneau. Le professeur est accoudé au piano.
(Crédits : Page Facebook consacrée au pianiste)

Émission spécialeavec Victor-Emmanuel HUSS à écouter le 6 et 28 septembre à 18H00.

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