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Nouvelle saison de l’Opéra national du Rhin

Alors que la rénovation se profile sous les meilleurs auspices avec un budget pour l’ensemble des partenaires annoncé à hauteur de 120 millions d’euros, le directeur général de l’Opéra national du Rhin (OnR), Alain Perroux, a annoncé ce matin la nouvelle programmation. En avant-première découvrez au rythme des grandes œuvres, la saison 25/26.

Depuis six ans maintenant, nous connaissons les goûts littéraires (et surtout musicaux) d’Alain Perroux, goûts qui se manifestent encore une fois avec ces aphorismes si singuliers qui annoncent la couleur de la saison à venir. Le Genevois de 54 ans a ainsi décidé pour sa dernière saison alsacienne de marier les arts, notamment le théâtre, en proposant un programme – très shakespearien – sobrement intitulé « Le monde est un théâtre ». Sur la scène du théâtre historique de Strasbourg, il se présente avec le directeur du ballet, Bruno Bouché et quelques nouveaux visuels (hauts en couleurs) dessinés pour l’occasion par l’illustrateur Sébastien Plassard. Une œuvre graphique qui fait penser à la publicité dans les années 1930, comme nous le souffle l’auteur lui-même : « Sachant que notre saison ’25’26 fait la part belle aux œuvres du XXe siècle – qu’elles datent de l’entre-deux-guerres comme Le Miracle d’Héliane ou qu’elles fassent référence aux Années folles comme Follies – ce style entre classicisme et modernité nous a semblé idéal ».

Zoom sur le projet de rénovation strasbourgeois

En guise d’ouverture, le directeur général a voulu clarifier le calendrier de modernisation de l’institution multiséculaire. Dès l’origine, le bâtiment n’a pas été conçu en 1821 pour répondre de manière adéquate aux besoins d’un opéra, en premier lieu l’acoustique plus que sèche. Si la surface reste largement inférieure aux besoins de fonctionnement actuel – cage de scène basse, coulisses inadaptées et hall d’accueil exigu – le bâtiment ne répond plus depuis 1997 aux normes (PMR1…). Concrètement, la scène sera surélevée afin d’améliorer les conditions de travail et la sécurité des personnels techniques. Restant ainsi compétitif dans le petit monde de la musique, la salle strasbourgeoise permettra une meilleure rotation du plateau surplombant la fosse – elle même agrandie – rotation demandant aujourd’hui l’intervention de 5 agents sur 4 heures. Les techniques contemporaines réduisent à seulement quelques minutes la manœuvre.

De plus, la scène sera abaissée au niveau de la rue, permettant une pente plus importante. La jauge réduite – passant de 1100 à 950 places – améliorera nettement la visibilité de tous. Garantissant le maintien de la large échelle des tarifs, Alain Perroux se montre également rassurant sur les conservations de la colonnade donnant sur la Place de la République – élément dans le style de la Neustadt classé de facto – et de la façade Place Broglie. Il faut enfin signaler la construction d’un bâtiment annexe, à côté de l’actuel bâtiment administratif, avec pour objectif la création de coulisses (digne de ce nom) ce qui obligera la construction d’un tunnel souterrain – sous le tram existant – pour rejoindre la salle. Imagine-t-on les divas maquillées marcher sur la place pluvieuse ? Les algeco, provisoires depuis 20 ans, seront eux aussi démontés pour laisser la place à une extension place du petit Broglie. Gros projet…

Immenses travaux, certes, qui posent déjà la question du calendrier. Si désormais la conservation de la salle à l’italienne (et de son plafond) n’est plus à l’ordre du jour, l’avant-dernière saison entre ses murs néo-classiques à l’allure baroque nous laisse néanmoins perplexe. Le déménagement au Palais des fêtes, pourtant flambant neuf, pendant la durée du gros œuvre ne pourra se faire qu’avec d’importants moyens financiers. Rassurant sur cette question là aussi, Alain Perroux (et son successeur) peut compter sur le soutien des collectivités (Eurométropole, Région, la CEA ayant coupé la subvention) et l’Etat, dont il dit – sourire plus qu’évocateur – avoir reçu une lettre de la main de la ministre.

Alain Perroux présentant le calendrier des travaux. Photographie Laurent Genvo.
Portrait d’Alain Perroux sur l’actuelle terrasse surplombant la façade. Le projet prévoit la création d’une terrasse derrière les muses offrant une vue incomparable depuis le café de l’Opéra sur le centre-ville. Document remis

Dernière saison alsacienne pour Alain Perroux

9 opéras (dont une comédie musicale ; 3 nouvelles productions), 7 ballets et 5 récitals au programme sur les scènes de Strasbourg, Colmar et Mulhouse. Voici les chiffres encourageants de sa sixième saison qui débutera le 14 septembre avec Le Triomphe du Temps de la Désillusion de Georg Friedrich Haendel. Opéra de 1707 donné en version de concert (donc sans mise en scène) qui fait écho à l’opera seria napolitain. Vanité assumée à la distribution virtuose – Mélissa Petit, Carlo Vistoli, Julia Lezhneva, Krystian Adam aux côtés de l’Ensemble Les Accents – les 2h40 (avec entracte) promettent une parfaite maîtrise du baroque et de l’italien. Seul bémol, il n’y a qu’une représentation strasbourgeoise à 17h.

L’habille programmation laisse aussi la place aux grands classiques, à l’image d’Otello de Giuseppe Verdi dont la direction musicale assurée par Speranza Scappucci promet déjà de belles envolées lyriques. La cheffe italienne retrouvera l’OnR après la création française des Oiseaux de Walter Braunfels en 2023. Incontournable opéra du maestro – dont la dernière entre les murs remonte à l’ère Lombard en 1977 – demandant un chœur surentraîné et un ténor grandiloquent (en octobre / novembre prochain, ils seront deux à endosser le rôle). D’ailleurs le Choeur de l’opéra de Lorraine viendra en renfort. De très bonne augure pour une suite en 2027 en Lorraine et au Luxembourg.

Suivra la comédie musicale Les Fantasticks de Tom Jones et Harvey Schmidt, une reprise en version française par l’Opéra Studio de l’OnR et les musiciens de la HEAR2. Grand classique de la comédie musicale américaine mis en scène par Myriam Marzouki, ce spectacle, méconnu en France pourtant apprécié outre-Atlantique, demande la présence d’un piano et d’une harpe. La chanson Try to Remember a marqué les esprits. Il y a fort à parier que Nana Mouskouri et Frank Sinatra y sont pour quelque chose…

Reprise également d’une captation réalisée lors du 2e confinement, Hansel et Gretel d’Engelbert Humperdinck en version live cette fois. L’opéra sera de circonstance autour de Noël. En effet avec ce « conte musical » grandement inspiré par l’histoire des frères Grimm, l’auditeur attentif y percevra des emprunts aux chansons populaires enfantines connues de tous les Allemands. Comme « la sorcière fait un peu peur », l’opéra est accessible à partir de 8 ans.

Création française

Connaissez-vous Erich Wolfgang Korngold ? Artiste surdoué, qualifié d’« enfant prodige » par Gustav Mahler et volontiers comparé à Mozart durant son adolescence, vraisemblablement à cause de son deuxième prénom, Konrgold incarne le dernier souffle du romantisme viennois. Après avoir donné en création française La Ville morte en 2001, l’OnR poursuit sur cette lancée et proposera fin janvier / début févier 2026 Le Miracle d’Héliane. Trésor injustement oublié, dont l’histoire s’inspire des mystères médiévaux – un peu fantasmés – et de la littérature souvent qualifiée de « fin de siècle », Robert Houssart dirigera, comme il a déjà pu le faire d’une main de maître aux Pays-Bas, ces 3h20. Mise en scène de Jakob Peters-Messer dans laquelle la société dystopique en mal d’humanité reprendra les éléments tout à fait symbolistes de la romance impossible entre la reine et le prisonnier victime du tyran.

Opéra Volant

Chaque année, l’OnR parcourt l’Alsace et le Grand Est avec son Opéra Volant, production de chambre avec les jeunes artistes de l’Opéra Studio. Au printemps 2026, nous découvrirons Les Mamelles de Tirésias dans la version deux pianos de Benjamin Britten. Le livret d’Apollinaire écrit pendant la Première Guerre mondiale, mis en musique par Francis Poulenc à la fin de la Seconde Guerre mondiale, se veut être un drame surréaliste ouvrant à la réflexion. Moderne par bien des aspects, le discours féministe laissera ici entrevoir les problèmes des Trentes Glorieuses. Si repeupler le pays n’est pas un passage obligé (encore que) le spectateur rigolera certainement de la mise en scène de Jean-François Kessler qui prendra vie au bord d’une plage dans les années 1950.

Dansons maintenant

Comment ne pas évoquer la scène du théâtre dans le théâtre d’Hamlet ? Partition complètement recrée par l’excellent Tanguy de Williencourt, pour la première fois à la direction d’un ballet à la Filature de Mulhouse (le 30 janvier et le 1er février 2026), le pianiste français lauréat du Concours Paris Play-Direct et de la Société des Arts de Genève s’est imposé sur les plus grandes scènes européennes. Nommé chef de chant auprès de Gustavo Dudamel à l’Opéra national de Paris (2022/23), il continue désormais son activité de chef assistant auprès de Semyon Bychkov et Mark Wigglesworth. Ainsi la création du chorégraphe Bryan Arias, reprendra cette fois avec l’œil avisé du pianiste le point de vue d’Ophélie. Alternant avec des œuvres évocatrices de Sibelius, Tchaïkovsky et Chostakovitch, afin de laisser une grande place aux mouvements des danseurs soutenus par l’Orchestre national de Mulhouse, le ballet se déplacera la deuxième semaine de février à Strasbourg.

Autre immanquable si vous adorez la danse, l’hommage aux Ballets russes de Diaghilev en juin 2026. Ces trois relectures contemporaines feront entendre L’Après-midi d’un faune de Debussy (versions 2 pianos) chorégraphié par Dominique Brun, le Boléro de Ravel (également 2 pianos) chorégraphié par François Chaignaud et le tempétueux Sacre du Printemps de Stravinsky, signé ici par Tero Saarinen. Cette musique énergique combinée avec des sons électroniques devient sa signature (HUNT), signature confiée aux jeunes artistes du Ballet de l’OnR. Jeux de lumières pour une version du XXIe siècle.

Pour connaître le programme en intégralité, cliquez ici.

Victor-Emmanuel HUSS

  1. Personnes à Mobilités Réduites ↩︎
  2. Haute Ecole des Arts du Rhin ↩︎
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